J’aime cueillir la valve irisée
Qui fleurit au matin sur la grève déserte
La coquille idéale et vert de grisée
S’offrant à moi comme une paume ouverte.
J’aime aller pieusement à Ta découverte
Riante certitude éclose dans l’eau verte
Du moi marin l’abîme incommensurable en sommeil
Je voudrais aussi faire naître la merveille
Et qu’à mes lèvres salées le mot aimable affleure
Et vague, conque vibrante pour une existence meilleure.
Colette Richarme, juillet 1947
La poésie de Richarme est ouverte à tous les possibles.
Si elle s’origine dans une pratique amoureuse de la peinture, elle n’est pas pour autant l’adaptation simplifiée d’un art plastique maîtrisé. L’attention toute particulière de Richarme aux couleurs l’a rapidement conduite à considérer les mots comme autant de pigments lexicaux. L’idée surgit très souvent d’une vision traduite et sublimée par un nouveau langage qui hérite pourtant de la peinture une perception lumineuse de l’art. La lecture d’une telle poésie rend sensible les efforts de transmédialité ; d’un art à l’autre et réciproquement. Si la peinture amène la couleur, le son suggère le mot. En combinant ces données, l’écriture de Richarme devient envoûtante en ceci qu’elle tend à capturer l’essence d’une vision en usant de toutes les virtualités possibles de plusieurs langages artistiques. On retrouve certains espoirs du Mallarmé d’Hérodiade, et une commune fascination pour une poésie-opéra.
Grâce à ses carnets personnels, Richarme prend également le lecteur à parti, en décrivant son cheminement et sa méthode. Il est rare de rencontrer un artiste aussi honnête, et qui procède avec tant d’humilité au fameux « démontage impie de la fiction ». Avec Richarme, il nous est possible de saisir l’artiste dans son atelier, la plume ou le pinceau à la main. En toute logique, sa poésie conserve cette magie de l’inventivité et la passion de la transposition. Sur une toile ou sur une page, l’artiste ne cesse de croiser les perspectives et de redéfinir certaines frontières que la théorie a parfois maintenues trop hermétiquement fermées. C’est un privilège pour nous lecteurs d’accéder, l’espace d’une lecture, à l’imaginaire d’une peintre en pleine composition, et de comprendre, avec ses mots, toute la beauté d’une image en pleine éclosion.
Vincent Boucheron, extrait de l’ouvrage à paraître « Dire Richarme »