par Maïthé Vallès-Bled, conservatrice du musée Paul Valéry pour le catalogue virtuel du musée
Printemps 2013
L’ensemble des œuvres de Colette Richarme permet de suivre, sur la période de 1934 à 1971, la carrière d’un peintre lié au groupe Montpellier-Sète, qui a tenté de dépasser dans son œuvre graphique et picturale l’opposition entre figuration et abstraction par une recherche sur les rapports entre ligne et couleur. La relation entre les huiles et les œuvres graphiques exposées permet de percevoir son cheminement créatif.
Installée à Paris en 1935, Colette Richarme fréquente la Grande Chaumière, en particulier l’atelier de peinture d’Yves Brayer, marqué par l’expressionnisme. Dans les vues ou les portraits de son amie Louise Bourgeois, elle privilégie les gris et les noirs. Fortement étayée, la construction se ressent aussi de son admiration pour Cézanne et de l’intérêt qu’elle porte aux recherches cubistes.
A bien des égards, la mutation de son époux à Montpellier en 1937 intervient comme une rupture. Vivant désormais au mazet de « La Vignette », Richarme découvre la lumière du Midi. Elle engage une recherche sur la couleur qui s’intensifie à la fin des années 1940. Richarme multiplie en effet les paysages qu’elle esquisse sur le littoral entre Montpellier et Sète en révoquant toutefois le réalisme qu’imposerait la peinture sur le motif : « Je puise une idée dans la réalité et tout le reste du paysage est en moi. Je crée un monde « à moi » réaliste, mais avec mon soleil ». Les étangs qui environnent « Sète la turbulente » orientent alors son travail vers le « domaine du flou et des brumes » propre à l’art japonais ou encore au sfumato de Léonard de Vinci, dont elle a lu le Traité de peinture en 1941.
Essentielle à la construction, la ligne lui apparaît correspondre uniquement à une nécessité arbitraire.
Richarme cherche alors plutôt les « passages » entre les couleurs, qu’elles s’opposent ou soient « amies ». La construction n’est pour autant pas remise en cause : « Elle est là par sa forme, sa virulence, suivant si les ombres sont fortes ou légères ». Ses toiles parviennent ainsi à faire coexister le sentiment du vague et l’impression de la plus grande fermeté.
Le flou des passages répond à la conception de son art que Richarme s’est formée sous l’influence de la poésie de Mallarmé : « La peinture est un langage qui se rapproche de la poésie » et « une partie de la poésie de la peinture (…) vient de ces passages ». La teneur spirituelle dont Richarme investit son art ne se dissocie pas d’une interrogation sur ses limites : « La peinture peut-elle dépasser la forme extérieure des choses et des êtres ? Peut-elle rendre présent ce qui est en nous et n’a pas de contour, de couleur, de pesanteur ? » La foi et le culte sont les seules réponses.
Richarme a toujours souffert du soutien à son égard mesuré de la part des peintres proches de Desnoyer, réunis d’abord dans le groupe Frédéric Bazille à partir de 1937, puis dans le groupe Montpellier-Sète à compter de 1962. Selon Richarme, sa condition de femme et d’étrangère serait entrée pour beaucoup dans son isolement. Il ne fait en tout cas aucun doute que peu d’artistes ont brûlé d’une soif d’absolu aussi ardente.