Femme, peintre et poète
Richarme a pratiquement traversé tout le XXe siècle, époque secouée par deux guerres mondiales mais aussi très riche tant par ses bouleversements littéraires que par ses révolutions picturales.
De Canton à Montpellier, en passant par Paris, la Savoie, la Bretagne, sa véritable patrie restera la peinture. En 1947, elle en donne sa définition :
La peinture ? C’est une langue liturgique et universelle. La Proportion en est le verbe. Couleurs, lignes, formes en sont les éléments expressifs qui hurlent, explosent et clament une poésie entendue de beaucoup et le plus souvent des instinctifs et des humbles (…) Réalité sublunaire, la peinture est le cri de lumière, l’appel de ma nuit.
Colette Richarme
Jardin secret
La peinture me tient, m’obsède, épuise mon temps alors que je pleure de temps en temps des petits poèmes bien à moi comme ma peinture. Et c’est tout... Ces petits poèmes, ce sont ces escargots minuscules qui, le matin, comme des perles de rosée, se balancent en suçant le suc de mes bouquets d’asters un peu sauvages plantés en moi-même.
Lettre à A. Chabaud, 22 septembre 1956
Les écrits
Notre livre, Richarme, 1947
Roman inachevé comportant 16 fragments qui sont autant de scénettes où Richarme décrit avec une verve savoureuse ses rencontres, son travail, et le microcosme artistique montpelliérain.
Le journal
50 agendas retraçant sa vie de 1937 à 1991. Richarme y note les rencontres, les balades, les événements et pour beaucoup d’œuvres les étapes de leur création.
Extrait de correspondances
1988, extrait d’un échange par courrier entre Bernard Derrieu, et Colette Richarme à la suite d’une soirée de discussion commune.
La pensée chinoise fonctionne sur des dualités d’images complémentaires. Par exemple, le ciel représente l’énergie tandis que la terre figure la structure…Un troisième élément peut alors apparaître : l’homme, qui est le mouvement.
ÉNERGIE, STRUCTURE, MOUVEMENT, données fondamentales de la pensée chinoise… N’est-ce pas dans ce triangle chinois que Richarme trace son propre cercle ? N’est-ce pas avec cette pensée qu’elle peint ?
[…] Je crois que les critères courants de l’art occidental, dans la complication des époques et des écoles, ne sont pas aussi satisfaisants, pour apprécier l’art de Richarme, que ces simples principes rapportés de cette Chine où, ne l’oublions pas, elle est née.
Ne soyons pas surpris, lorsque Richarme parle de son travail, de l’entendre toujours employer les mots de « force », « composition », « élan ». Son obsession paraît être, à chaque instant, la recherche d’une ligne qui saura répondre à une précédente, ainsi que l’approfondissement de «passages » et l’aménagement de « repos ». […]
L’une des références essentielles de Richarme en matière picturale, ce sont les caractères chinois : où l’image est synthétisée, où le plein joue avec le vide dans une tension maximale.
Quant aux couleurs… On le sait, le regard de Richarme n’a jamais été plus éclairé que par les fils de soie que manipulait sa mère, elle-même artiste. Couleur et lumière, lumière et fluidité, fluidité et transparence, transparence et lignes, lignes et texture, ce sont autant de subtilités dans le travail de la matière qu’il est difficile de théoriser.
Disons seulement qu’il y a chez Richarme cette orientation vers un certain éblouissement (en plus de la richesse dont nous parlions plus haut), qui se traduit par l’expression double d’une réalité épaisse, et d’une surréalité évanescente. À propos d’une de ses toiles récentes (1988), Richarme parle elle-même de « lutte entre le réel et le rêve »
[…]
Bernard Derrieu.
Cher ami,
Vos “quelques notes rédigées un matin” ont fait autour de nous l’effet d’un feu d’artifice éblouissant. Ce feu, signe de fête délirante chez les Chinois, émerveillement coloré et sonore mais aussi cause de tant d’accidents oculaires… Ce feu m’a réveillée d’une sorte de torpeur, d’un oubli profond, celui de ma jeunesse, celle des clairs de lune, des pirogues aux têtes de dragon crachant le feu, et des bercements de la rivière des Perles.
Vous avez trouvé une clef du mystère.
Assembler les “forces”, en détruire d’autres, rechercher une tâche colorée qui réponde à une autre, lointaine mais indispensable pour créer “l’élan”, etc. Mais cette communion entre nous a été si surprenante que je ne puis en parler qu’avec retard. […]
Colette Richarme.